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A propos du développement durable  (déjà 4896 visites)  
Créat. 21 avril 2006 | Modif. 4 avril 2020 | Auteur(s) : GUENE, Gilbert
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En réponse à une invitation à débattre sur la position du GREF à propos du « Développement Durable , quelques contributions de la Région Rhône-Alpes-Grenoble

Oui, mais quel développement durable ?

Il est entendu que le développement, c’est bien, et que le développement durable, c’est encore mieux. Acceptons ce point de départ.

Des Verts les plus exigeants aux Libéraux les plus débridés, en passant par le Président de la République, tout le monde semble d’accord. Bizarre cette unanimité, non ? Peut-être qu’avec les mêmes mots, ils ne parlent-ils pas de la même chose. Et nous, au GREF, de quoi parlons-nous exactement quand nous nous déclarons partisans, en France comme dans les pays où nous allons en mission, du "développement durable" ? Il est nécessaire de mettre de la clarté dans nos propos et peut-être aussi dans nos options. Bref, de mettre cela en débat.

Essayons de distinguer sommairement plusieurs conceptions du développement durable. Sans ordre de priorité.

Celle de l’écologie la plus alarmiste qui affirme que notre planète est au bord de la rupture. Les abus dans l’exploitation des biens communs (eau, énergies fossiles, forêts…) joints à l’inconscience des dirigeants font que, sauf si des décisions draconiennes sont prises rapidement, notre monde court à sa perte, tous régimes politiques confondus. Dans cette conception, il n’y a de « durabilité » que si la notion même de « développement » est mise en question.

Celle plus cyniquement politique qui, pour maintenir l’état d’équilibre (instable) de la planète, veut éviter d’abord que la révolte des plus pauvres contre les plus riches ne remette en question un développement : le sien. Pour cela, elle adopte un discours et des pratiques qui aident a minima les moins nantis leur laissant croire qu’ainsi ils rejoindront un jour les plus nantis. La « durabilité » recherchée est celle des avantages acquis.

Pour celle qu’on peut qualifier d’idéologique, il est entendu que tous les hommes sur terre doivent aller vers un mieux être qui passe par l’acquisition de biens, chacun poursuivant ce but en fonction de l’état de ses ressources, l’important étant de favoriser l’accès libre et « durable » aux biens qui permettent d’accroître ce bien-être, si possible équitable, laissant de côté les problèmes adjacents de l’évaluation de ces ressources et le type de vie privilégié, mêlant indifféremment les biens et produits qui assurent la seule survie de certains et ceux qui ne font qu’entretenir le besoin éperdu et insatiable de consommer et d’accumuler déchets et nuisances des autres.

Enfin, il y a celle qui avance que la poursuite du développement au Nord est compatible « durablement » avec l’aide au développement au Sud tout en préservant les ressources nécessaires aux générations futures pourvu qu’on observe certaines prudences, mais sans préciser quelles « prudences » ni quel type de développement elle veut promouvoir au nord comme au sud. Elle veut croire que ces deux développements peuvent cheminer chacun de leur côté en bonne harmonie, sans envies ni rivalités, sans contradictions ni impasses.

Notre aide éducative qui participe indéniablement de l’accroissement du patrimoine et de l’élévation des compétences des personnes dans les pays avec qui nous collaborons, favorise quel type de développement ? Est-ce véritablement celui que nous souhaitons favoriser ?

Jean Avezou


La lecture de l’article "Quel développement durable ?", dans le dernier numéro du "Lien", me suggère quelques remarques, pour prolonger le débat que Jean Avezou souhaitait et « mettre de la clarté dans nos propos » .

D’une part, son exposé oscille souvent entre « croissance » et « développement », incitant à aller voir de plus près ces deux termes.

La notion de croissance n’appelle guère de remarque, si l’on ne va pas trop chercher « la petite bête ». Il y a croissance quand il y a accroissement, augmentation. C’est bien dans ce sens que Jean l’entend en évoquant la progression dans l’acquisition de biens (matériels) ou la (sur)exploitation des ressources. La croissance de la population c’est donc l’augmentation de la population ; la croissance d’une production l’augmentation de cette production. Les choses sont un peu moins claires quand on parle de la croissance d’une économie mais laissons de côté pour le moment cette question pour nous demander surtout quelle différence faire alors entre « décroissance » et « régression ».

La notion de développement est autrement complexe. Dans un heureux temps que les moins de deux fois vingt ans ne peuvent pas connaître, le seul indicateur choisi pour rendre compte du développement était l’économie. On disait alors qu’un pays se développait à mesure de l’augmentation de sa production de houille ou de l’accroissement de sa production d’acier. Ce temps béni pour sa simplicité n’est plus. Un tel indicateur a fait amplement la preuve de ses insuffisances et l’on doit prendre aujourd’hui en compte bien d’autres paramètres.

Pour ne pas entrer dans le détail j’évoquerai simplement l’indicateur de développement humain (IDH) pour souligner combien la prise en compte de la longévité, de la santé, de l’instruction, de l’accès au savoir et du niveau de vie le font profondément différer d’une simple mesure de la croissance. D’autres indicateurs de développement vont plus loin intégrant par exemple le degré de libertés publiques dans leur calcul.

On aboutit alors à trois propositions. Tout d’abord, nous devrions tous être d’accord pour accepter que la croissance n’entraîne pas toujours un développement. Mais deux autres questions sont beaucoup plus intéressantes : peut-il y avoir développement sans croissance ? Peut-il y avoir développement avec une décroissance ? Réfléchir à ces deux dernières propositions nous permettrait peut-être d’approcher la notion de développement durable.

Par ailleurs, Jean distingue très légitimement plusieurs espaces sur notre globe et évoque leurs « équilibres ».Y voir alors plus clair demanderait d’élucider les interrelations (domination/sujétion, solidarité/compétition) dans la hiérarchisation de ces espaces à l’heure de la mondialisation.
Et ceci est une autre histoire comme nos amis d’outre-manche le diraient.

Alain Sauget


" Les mots ne sont jamais fous …" Roland Barthes .

Le cas du "développement" :

Les mots s’enracinent dans une histoire : ils sont liés avec des représentations qui échappent , le plus souvent à la conscience des locuteurs mais qui ont prise sur nos émotions . Il y a des mots doux , des mots qui donnent du baume au cœur et des mots qui blessent . Il y a des mots qui mettent un peuple en émoi et bouleversent le monde . Et puis il y a des mots poisons, des mots qui s’infiltrent dans le sang comme une drogue, pervertissent le désir et obscurcissent le jugement . Développement est un de ces mots toxiques.

La mondialisation actuelle nous montre ce que le développement a été et que nous n’avons jamais voulu voir . Elle est le stade suprême du développement réellement existant en même temps que la négation de sa conception mythique . Si le développement , en effet, n’a été que la poursuite de la colonisation par d’autres moyens, la nouvelle mondialisation , à son tour n’est que la poursuite du développement avec d’autres moyens .

Il convient donc de distinguer le développement comme mythe, du développement comme réalité historique . La vision mythique du développement est abondamment présente dans la littérature sur le sujet, le développement y est défini comme la réalisation des désirs et des aspirations de tous et de chacun hors contexte historique , économique , social et culturel .

« On peut définir le développement réellement existant comme une entreprise visant à transformer les rapports des hommes entre eux et avec la nature en marchandises. Il s’agit d’exploiter, de mettre en valeur, de tirer profit des ressources naturelles et humaines . Entreprise agressive envers la nature comme envers les peuples, elle est bien comme la colonisation qui la précède et la mondialisation qui la poursuit, une œuvre à la fois économique et militaire de domination et de conquête . Le "développementalisme" manifeste la logique économique dans toute sa rigueur . Qu’on le veuille ou non , on ne peut pas faire que le développement soit différent de ce qu’il a été . Le développement a été et est l’occidentalisation du monde » .

Serge Latouche .(Professeur émérite d’économie à l’Université d’Orsay, et objecteur de croissance )

Cité par Eliane Henry


Autre contribution d’Hélène Roux, journaliste économiste spécialiste de l’Amérique latine et invitée par le GREF Midi-Pyrénées. En guise de compte rendu de cette conférence, voici l’article écrit par Patricia Guilbault et Marie-Claude Combes pour La Dépêche du Midi :

"Hélène ROUX y souligne le décalage entre les objectifs généreux de développement durable affichés officiellement et les réalités qui en résultent sur la vie déjà bien difficile des populations locales.

L’idée de développement durable associe trop souvent le concept de démocratisation à celui de commerce et de marché, ce qui entraîne une situation insupportable pour des populations dépossédées de leurs cultures traditionnelles et de leurs terres. Ainsi la mise en place du Plan Puebla-Panama qui a l’ambition d’ouvrir un couloir de développement industriel à travers le Mexique et l’Amérique Centrale pousse - en fait - de nombreux paysans à l’exode et à l’emploi dans des « industries d’assemblage », ce qui anéantit leur possibilité d’autonomie de subsistance.

De plus le principe de la « capture du carbone » incite des multinationales à installer, sous couvert d’amélioration de l’environnement, des espaces considérables en producteurs d’oxygène. La possession de ces espaces leur permet alors de négocier la vente d’une sorte de « droit à la pollution » à des pays qui dépassent les quotas d’émission d’oxyde de carbone autorisés par le protocole de Kyoto. Ces plantations couvrent d’immenses territoires aux dépens des cultures vivrières traditionnelles et les populations en sont chassées.
Les exemples sont nombreux d’économies locales déstructurées par la recherche de main-d’œuvre et de transports à moindre coût : culture de litchis au Mexique, de café en Asie…

En général les plans nationaux s’appuient sur l’exportation, négligeant les nécessités locales : on est alors très loin d’un vrai développement durable qui serait un développement local permettant aux gens de vivre.

Pour autant cette réflexion n’engendre pas le découragement mais conforte le GREF dans l’attention qu’il porte aux besoins des populations avec lesquelles il travaille."

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