ODD et bibliothèques
Les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux que les États s’engagent à atteindre au cours des 15 prochaines années (2015-2030) au travers de 169 cibles. Ces objectifs visent la lutte contre la pauvreté et les inégalités, cherchent à promouvoir l’éducation, la santé et l’égalité des genres et promeuvent une notion du développement respectueuse du climat et des réserves énergétiques.
En quoi les bibliothèques et l’accès à l’information contribuent au développement, en particulier au développement local ? En quoi sont-elles des vecteurs essentiels de l’accès à l’information, à la culture, aux savoirs qui sont loin de dépendre des seules technologies numériques ? Comment leur fonction s’inscrit-elle dans les objectifs de développement durable ?
→ Que peut-on trouver, sur ce domaine, dans les différents textes concernant les ODD ?
L’IFLA (Fédération internationale des associations de bibliothécaires https://www.ifla.org/files/assets/hq/topics/libraries-development/documents/libraries-un-2030-agenda-toolkit-fr.pdf) a lancé récemment un appel à projets pour des projets de plaidoyer en faveur des bibliothèques, et développe argumentation et outils d’intervention. Son analyse première constate l’absence d’une mention explicite du rôle des bibliothèques dans la liste des « cibles » définies pour chaque ODD. Or l’enjeu est important : si l’accès à l’information et les bibliothèques ne sont pas inclus dans les plans nationaux de développement, ce sera, pour l’IFLA, plus qu’une occasion manquée.
→ Quelques pistes cependant ont été relevées
Cible 16.10 Garantir l’accès public à l’information et protéger les libertés fondamentales, conformément à la législation nationale et aux accords internationaux
Cible 11.4 Renforcer les efforts de protection et de préservation du patrimoine culturel et naturel mondial
Cible 5.b Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes
Cible 9.c Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020
On peut regretter qu’aucune mention ne soit faite des bibliothèques, qu’elles soient locales, scolaires, universitaires ou de recherche, dans l’objectif 4 (Education). L’accès à l’information y est lié exclusivement aux technologies numériques.
Et pourtant, « Un accès accru à l’information et à la connaissance, soutenu par une alphabétisation universelle, est un pilier essentiel du développement durable », axes essentiels pour le développement des droits humains, des connaissances et l’amélioration des conditions socio-économiques (https://www.ifla.org/files/assets/hq/topics/libraries-development/documents/libraries-un-2030-agenda-toolkit-fr.pdf).
→ Quelles conséquences ?
De la bibliothèque de rue à la bibliothèque universitaire, en passant par la bibliothèque de village, les bibliothèques présentent un grand nombre de formes différentes. Mais on peut considérer que leur fonction s’inscrit dans la transversalité des différents objectifs des ODD, et que par leurs activités,
– Elles prennent part à tous les domaines du développement :
• Activités préscolaires
• Apprentissages fondamentaux : accompagnement des usagers, soutien scolaire, ouverture au monde
• Apprentissages tout au long de la vie : en particulier alphabétisation numérique et maîtrise des médias
• Accès à l’information et citoyenneté en lien avec les sociétés civiles et communautaires. Autonomisation des femmes.
• Préservation du patrimoine culturel et documentaire local. Accès à la diversité culturelle.
• Accès à l’information factuelle, pratique permettant le développement local : santé, cours des cultures, accès aux subventions…
• Accès à Internet et maîtrise des outils de recherche mais aussi accès à l’énergie pour lire, étudier, communiquer.
– Inclues dans une collectivité ou une communauté, elles concernent tous les publics (âge, sexe, niveau social, handicap…) pour lesquels elles sont espace de socialisation et de rencontre.
Le bibliothécaire est lui-même agent du développement. Le modèle suivant, développé dans la formation des bibliothécaires en Ethiopie, constitue un cadre pour l’ensemble des activités quotidiennes et initiatives dans le cadre d’une bibliothèque communautaire (http://library.ifla.org/870/1/169-asselin-en.pdf ).
Contexte /environnement : Faire partie intégrante de la culture, du développement et de l’identité de leur communauté |
Equité / inclusion /social / justice : Faire en sorte que services et programmes s’adressent équitablement à l’ensemble de la communauté |
Partenariats / interactions : Rôles de leadership dans la construction des relations, collaborations et partenariats avec tous les secteurs vitaux de leur communauté |
Action / recherche : S’assurer que les programmes et services apportent des changements significatifs dans la vie de tous les membres de la communauté. |
Un modèle écologique pour le développement de la bibliothèque de la communauté (Asselin & Doiron, 2013)
Ce modèle met en lumière le rôle fondamental et pro-actif du bibliothécaire. Il inscrit son action dans l’ensemble des besoins d’une communauté, est attentif aux évolutions des outils et services à mettre à disposition.
Par « la déclaration de Lyon », l’IFLA veut démontrer que les bibliothèques sont un outil « crucial » de développement. Le plaidoyer à mener porte donc sur les multiples fonctions des bibliothèques, en réponse à des besoins locaux et sur la conception du métier de bibliothécaire, « passeurs ou médiateurs d’une information utile et de qualité ».
→ Et le GREF ?
Au GREF, quelle conception des bibliothèques ?
Le GTC Bibliothèques et Centres de ressources a avancé plusieurs propositions sur cette question (un texte + 1 panneau aux JN 2014 ; un article aux JN 2015…).
Ce plaidoyer interne a-t-il été efficace et cette conception des bibliothèques a-t-elle été reprise dans les projets ?
Le GTC est-il sollicité pour contribuer à promouvoir ces idées et ces pratiques ?
→ Quels axes et méthodes prioritaires dans nos interventions « Bibliothèques » ?
o Accompagnement des projets : vers une bibliothèque communautaire, et, dans le cas de bibliothèques scolaires, insertion dans l’environnement local
o Formation des bibliothécaires : évolution des représentations, adaptation de nos pratiques, acquisition et renforcement des capacités des acteurs
o Réciprocité et interculturalité : choix des documents, définition des priorités, priorité à l’édition locale (ou de la sous-région)
L’obstacle principal demeure une question de représentations :
– Celles de nos partenaires qui disposent de peu de représentations des différents modèles possibles de bibliothèques et des enjeux potentiels.
– Les nôtres : Ici les bibliothèques publiques, outre l’accès à leurs collections, proposent une variété de services : soutien scolaire, révisions des examens, musée local, accueil de pôle emploi dans ses locaux, formation aux technologies de l’information… Réduire la bibliothèque au seul accès au livre et la faire passer après des besoins (nécessaires) de scolarisation affaiblit son rôle potentiel et sa pertinence. Il faut nous poser la question des types de savoirs et services innovants que peut apporter une bibliothèque pour améliorer les conditions de vie d’une collectivité et accroître les chances de chacun.
Pour aller plus loin, quelques références
http://takamtikou.bnf.fr/vie_des_bibliotheques/2011-02-01/au-senegal-un-reseau-de-bibliotheques-exceptionnel-lire-en-afrique
https://www.ifla.org/past-wlic/2011/183-fuegi-fr.pdf
http://takamtikou.bnf.fr/vie_des_bibliotheques/2016-07-29/le-2-me-sommet-africain-des-biblioth-ques-publiques-innovation-et-d